La mise en œuvre de politiques macro-économiques, dans le cadre des programmes d’ajustement structurel (PAS) est la résultante de la crise économique et financière et des distorsions liées à une économie administrée. Elle s’appuie sur une représentation de la crise agricole, qui va largement à l’encontre des filières ou des opérations intégrées de développement : interdépendance par le marché et par les prix, absence de distorsions sectorielles, ouverture sur le marché international (Benoit-Cattin, Griffon, Guillau-mont, 1994).

L’impact des politiques d’ajustement

Les politiques de stabilisation et d’ajustement structurel visent à assainir les finances, à améliorer l’environnement macro-économique, à réduire les distorsions économiques, à libéraliser les circuits économiques, à ouvrir l’économie et à inciter les opérateurs privés. Elles mettent en œuvre un ensemble d’instruments qui ont indirectement des effets sur les filières. Ces mesures accroissent le coût du crédit de campagne, elles réduisent le rôle des sociétés publiques et de l’Etat, elles exercent indirectement des effets de restructuration des filières. Nous privilégierons trois instruments de politique économique.

La politique cambiaire

La politique cambiaire repose sur différents volets tels : – la libéralisation du marché des changes ; – la dépréciation du taux de change réel ; – l’unification des taux de change entre les marchés officiels et parallèles. Elle peut être analysée comme un moyen de modifier les rapports de prix entre l’agriculture et les autres secteurs.

Deux effets de l’ajustement de change doivent être différenciés, qui jouent selon des degrés divers dans les branches agricoles : l’amélioration de la compétitivité extérieure par les changements de termes de l’échange et par les réponses des exportations en volume au jeu des prix ; l’accroissement de la rentabilité interne des secteurs exposés à la concurrence internationale par le jeu de l’accroissement des revenus des facteurs (exprimés en monnaie nationale).

Dans la mesure où les pays africains sont « price takers » pour la plupart des produits agricoles exportés, l’ajustement de change a des effets sur la rentabilité et les prix de revient des filières davantage que sur leur compétitivité exprimée en prix de vente.

La dépréciation du taux de change effectif réel (l’accroissement des coûts de production globaux est inférieur à la dépréciation nominale) doit accroître la rentabilité des exportations en rendant les prix extérieurs plus attractifs traduits en monnaie nationale. Elle augmente par contre le coût des intrants et des équipements importés ainsi que le montant des frais financiers libellés en devises fortes et les salaires des expatriés. Elle agit comme une taxe à l’importation et peut compenser les réductions des protections tarifaires.

La politique commerciale et l’harmonisation des taux de protection

La politique commerciale vise à réduire les « distorsions » liées à la protection non tarifaire, à la surprotection des entreprises non compétitives, à la multiplication des incitations et des protections au cas par cas que favorisent l’arbitraire et les dysfonctionnements administratifs.

Il s’agit de rationaliser et d’uniformiser les systèmes de protection et d’incitation par plusieurs mesures telles :

  • La fiscalisation des importations de l’Etat ou des organismes publics ;
  • La limitation des régimes d’exonération ;
  • La suppression des protections non tarifaires ;
  • L’uniformisation des taux de protection nominale ;
  • Un système d’incitation assis de manière uniforme sur la valeur ajoutée nationale.

La libéralisation des importations, liée à la dépréciation du taux de change réel, doit accroître la rentabilité des exportations. La réduction des tarifs douaniers et des autres obstacles aux importations diminue la taxation implicite des exportations en réduisant la proportion de produits de substitution des importations dans l’économie locale.

Il s’agit de modifier les règles de la protection en cherchant à uniformiser les taux de protection effective et à calculer un taux de protection, soit nominale indirecte soit véritable, tenant compte des taux de change d’équilibre, des prix virtuels et de la substituabilité entre les biens locaux et les biens importés.

Le coefficient de protection effective permet d’analyser, au sein de la filière, les protections par segments. Il suppose une complémentarité entre les facteurs et une constance des coefficients techniques. Il fait abstraction du niveau du taux de change.

Les coefficients de protection véritable s’expriment en termes de mouvements des prix relatifs des biens importables et exportables (échangeables ou tradable) relativement à ceux des produits non échangeables ou non tradable. Les cœfficients de protection nominale indirecte prennent en compte les taux de change d’équilibre et les prix virtuels.

Les politiques d’offre

Les mesures de stabilisation, de réduction de l’absorption s’accompagnent d’ajustements axés sur l’offre. Dans le domaine agricole, les principales mesures concernent :

  • Les actions sur les prix, accroissement des prix réels au producteur, baisse ou suppression des subventions aux intrants, augmentation des prix au consommateur, légalisation des marchés parallèles ;
  • La libéralisation : baisse du contrôle des prix et de la réglementation, réduction ou suppression des offices publics de commercialisation et des caisses de stabilisation ;
  • La privatisation : baisse des entreprises publiques et parapubliques.

Les politiques axées sur l’offre visent deux principaux objectifs : accroître la production à partir des capacités existantes grâce à une meilleure allocation des ressources et des mesures incitatives telles la libéralisation et le retour aux prix du marché ; augmenter la capacité de production grâce à une croissance de l’épargne et de l’investissement. Le taux d’intérêt joue un rôle déterminant dans cet équilibrage de l’épargne intérieure et extérieure et de l’investissement à un niveau supérieur.

Ces mesures macro-économiques ont indirectement des effets sur les filières agricoles. Elles sont censées améliorer les termes de l’échange de l’agriculture, permettre des prix incitatifs stimulant l’offre, réduire les prélèvements fiscaux et parafiscaux sur les producteurs. Le désengagement de l’Etat et les mesures défavorables aux projets capitalistiques sont supposés favoriser des projets de substitution privés et à faible intensité capitalistique.

La réussite de ces mesures implique les conditions suivantes : les producteurs doivent avoir une faible aversion au risque. La baisse des revenus urbains et de la demande solvable est supposée neutre vis-à-vis des prix et des débouchés agricoles. Il est supposé que des substitutions sont possibles entre les importations de céréales (blé, riz) et les céréales locales dès lors que les prix relatifs sont modifiés. Les exportations en volume des cultures de rente ne sont pas supposées créer des effets de composition au niveau des prix et donc des recettes.

Ces effets attendus des PAS sur les filières peuvent être appréciés, d’après la typologie présentée dans le tableau ci-après, qui distingue, d’une part, les critères de l’offre et de demande, et d’autre part, les problèmes internes à la filière et ceux liés à l’environnement de la filière.

Source : Phillipe Hugon – L’agriculture en Afrique subsaharienne restituée dans son environnement institutionnel

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