Capteurs, robots, objets connectés, drones, progiciels… permettent aujourd’hui aux agriculteurs de prendre de meilleures décisions et d’améliorer leurs pratiques. Mais cette digitalisation questionne l’évolution du métier d’agriculteur et l’interopérabilité des différents outils, technologies et applications de l’« AGTech ».

Quels sont les enjeux, les opportunités et les freins de la digitalisation de l’agriculture ? Comment la digitalisation de l’agriculture peut-elle être un vecteur de compétitivité et de durabilité ? 

Nous nous appuyons pour rédiger cet article – de manière non exhaustive et non exclusive – sur une conférence qui s’est tenue le 1er octobre dernier à l’occasion de BIG 2020. Y participaient Martin DucroquetCo-fondateur et Directeur général de Sencrop ; Rémi Duméry, Agriculteur ; Florence Pradier, Directrice Générale de La Coopération Agricole ; Stéphane Marcel, Chief Digital Officer de Invivo ; Maxine Roper, Fondatrice de Connecting Food et Olivier Le Blainvaux, Fondateur de Néofarm.

Produire mieux grâce à la digitalisation

Grâce à des outils de contrôle, de pilotage et d’aide à la décision, la digitalisation permet à la fois une agriculture de précision et de conservation, tout en réduisant la pénibilité de certaines tâches.

L’agriculteur peut, par exemple, avoir accès à des données météorologiques ; à des cartographies collaboratives concernant l’avancée de certains insectes ; à des capteurs qui vont lui permettre de connaitre la composition de ses sols et les besoins en eau de ses cultures… Les données récoltées lui donnent la possibilité de mieux gérer les soins qu’il doit apporter à ses cultures, tendant ainsi vers une agriculture de précision, parcelle par parcelle. Le résultat peut s’envisager en termes de valeur ajoutée auprès des consommateurs avec une qualité augmentée des produits : produits plus naturels, meilleures qualités organoleptiques en optimisant le moment de la récolte par exemple…

Mais l’agriculture de précision permet aussi de prendre en considération le fait que le sol n’est pas seulement un support de production, mais un lieu vivant. La digitalisation offre ainsi la possibilité de se diriger vers une agriculture de conservation via un ensemble de techniques culturales destinées à maintenir et améliorer le potentiel agronomique des sols, tout en conservant une production régulière et performante sur les plans technique et économique.

Enfin, la digitalisation de l’agriculture contribue à réduire la pénibilité ou le temps de certaines tâches. On peut citer par exemple l’utilisation de robots ou de tracteurs connectés, ou bien de capteurs qui permettent un contrôle à distance pour éviter les déplacements sur les grandes exploitations. Le bénéfice de la digitalisation en termes de pénibilité physique traduit aussi une forte évolution du métier d’agriculteur moyennant la nécessaire acquisition de nouvelles compétences techniques et d’analyse de données.

Améliorer collectivement les bonnes pratiques et innover grâce à la mutualisation de données

Mais la digitalisation de l’agriculture s’envisage au niveau collectif pour être pleinement efficace, en mettant en relation les données de plusieurs exploitations.

Parce que le vivant nécessite une approche systémique et un certain temps d’apprentissage lié aux rythmes des saisons et de la vie, l’expérience d’un agriculteur met des années à se construire. A raison d’une récolte de telle culture par an, l’agriculteur dispose finalement de peu d’opportunités pour tester, comparer, ou faire évoluer ses pratiques.

Le fait de pouvoir récolter et analyser les données liées aux pratiques de milliers d’agriculteurs permet d’avoir une répétition d’expériences dans différents contextes. A partir de cela, il est plus facile de pouvoir avoir des modèles prédictifs et d’identifier les bonnes pratiques et les éléments de contexte favorables à certaines cultures.

Un des enjeux à ce niveau est celui de la collecte de données par les coopératives ou des organismes capables de traiter les données et de procéder à des recommandations, avec en arrière-plan, l’objectif d’améliorer la compétitivité.

Permettre la traçabilité, vecteur de transparence, valeur, qualité et confiance auprès des consommateurs

Les avantages de la digitalisation de l’agriculture s’envisagent enfin en matière d’information, de communication et de différenciation auprès du consommateur. Les conditions de production, l’impact sociétal et environnemental d’un produit… sont ainsi rendus visibles et accessibles. Grâce aux systèmes de collecte et structuration de données ; de BlockChain ; de notation ; de labellisation ; d’accès aux données ; la digitalisation permet ainsi au consommateur de faire un choix de produit plus éclairé, en lui permettant d’accéder à ce qui est invisible à ses yeux quand il achète le produit. Le consommateur peut ainsi connaître l’origine d’une semence, les pratiques agricoles… il peut même savoir précisément sur quelle parcelle a été cultivé son produit !

Ce faisant, la traçabilité permet de rétablir une vérité, parfois éloignée des allégations ou généralisations médiatiques. La traçabilité apporte une transparence qui permet au producteur de s’adresser directement au consommateur en nouant un lien avec lui. Elle permet de justifier le prix d’un produit et d’amener le consommateur à payer davantage pour une meilleure qualité, mais aussi pour des pratiques plus vertueuses.

Rendre les outils accessibles, faire évoluer les compétences de l’agriculteur, miser sur l’interopérabilité

Depuis l’exploitation agricole jusqu’au consommateur final, en passant par l’exploitation collective, la digitalisation de l’agriculture porte en elle une promesse d’amélioration continue de la production en termes de qualité, d’impact sur l’environnement, de conditions de travail, et de transparence. Ce faisant, elle transforme l’agriculture et le métier d’agriculteur.

Mais pour ce faire plusieurs défis doivent être relevés.

Tout d’abord, pour pouvoir révéler la valeur cachée de l’agriculture, deux conditions sont nécessaires : la première tient à un nombre d’agriculteurs suffisants ayant des exploitations connectées et la seconde à l’harmonisation des données collectées.

C’est la raison pour laquelle, concernant toutes les solutions possibles d’AgTech, les agriculteurs doivent être accompagnés financièrement et techniquement dans le choix et la mise en place des outils à utiliser dans leur exploitation. Des formations sont nécessaires tant sur le choix des outils, la sélection des données de pilotage mais aussi le traitement et l’analyse des données dans une optique d’amélioration continue. La digitalisation est l’opportunité de former les exploitants agricoles à de nouvelles techniques et approches culturales. Les coopératives et syndicats agricoles jouent un rôle important en matière de collecte, analyse, information, et formation tandis que les formations agricoles doivent intégrer massivement ces compétences techniques et digitales dans leurs cursus.

Autre défi de la digitalisation de l’agriculture : l’interopérabilité. En effet, l’un des freins majeurs aux bénéfices de la digitalisation tient au manque de compatibilité de certains outils, systèmes et données. Or pour une digitalisation réussie, l’interopérabilité doit fonctionner du champ à l’assiette, avec par exemple la possibilité de connecter tous les outils digitaux sur les mêmes données.

Source :  wonderfoodjob.com

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