2 Les mesures de prévention et la surveillance des cultures
Il s’agit ici d’intervenir avant que les nuisibles et ravageurs ne deviennent des menaces pour l’agriculture. C’est la première étape de la lutte intégrée et aussi une des plus importantes. Cela se traduit principalement par des pratiques agricoles appropriées visant notamment à modifier l’habitat des nuisibles.
Parmi ces méthodes, un entomologiste ivoirien interrogé dans l’interview N° 2 « Mieux vaut prévenir que guérir » cite certaines méthodes comme le labour ou le sarclage et la rotation des cultures. Dans l’interview N° 4 « Les méthodes culturales, des outils précieux de prévention », un autre agronome, interrogé au Mali, recommande quant à lui le semis précoce ou encore la propreté du sol et l’entretien des abords de la parcelle. Une méthode culturale particulièrement efficace est l’utilisation de variétés résistantes à certains insectes qui s’attaquent plus spécifiquement à des plantes spécifiques. Dans le cas du coton, par exemple, comme on l’apprend dans l’interview N° 2, une variété dont les plants sont poilus empêche les insectes de s’accrocher à la tige et diminue ainsi les possibilités d’infestation. Il y est aussi question des pièges à phéromones qui attirent les insectes et les piègent ; les phéromones sont des substances chimiques produites par certaines espèces d’insectes (probablement par beaucoup plus d’espèces que ce que nos connaissances actuelles laissent entendre) pour permettre à leurs membres de communiquer entre eux. Souvent, il s’agit de phéromones sexuelles que la femelle produit pour attirer un mâle. Ce sont les phéromones de lépidoptères (papillons et noctuelles) qui sont les plus connues et ces messagers chimiques peuvent être produits commercialement par le mélange et la synthèse de produits chimiques appropriés. Les substances chimiques utilisées pour faire les pièges sont généralement introduites dans une cloison en caoutchouc (une petite capsule en caoutchouc), laquelle est posée sur un piège collant pour attirer les noctuelles mâles.
L’entomologiste ivoirien interrogé dans l’interview N° 2 « Mieux vaut prévenir que guérir » cite aussi l’exemple d’une méthode tout à fait traditionnelle employée en Côte d’Ivoire qui consiste à frotter un bâton avec de la graisse de hérisson, ce qui attire les pucerons qui viennent s’attacher au bois et meurent car ils sont englués et ne peuvent plus se détacher. En revanche, cette interview ne mentionne pas ce qu’on appelle les mesures de « protection physique » comme l’ensachage des fruits, les filets contre les oiseaux ou les ceintures protectrices sur les troncs.
A ces mesures de prévention s’apparentent d’autres mesures qu’on pourrait qualifier de « dissuasives » : à cet égard, les épouvantails sont un exemple très pratiqué mais comme le dit l’agronome interrogé dans l’interview N° 3 « La surveillance indispensable », ceux-ci ne sont efficaces qu’un temps car les oiseaux, en particulier, ont tôt fait de comprendre qu’il ne s’agit pas de vrais humains ! D’autres méthodes comme les appâts empoisonnés ou les pièges semblent donner de meilleurs résultats dans les petites exploitations. D’autres mesures dissuasives relèvent de la surveillance physique, à savoir chasser les oiseaux ou les rongeurs dès qu’ils sont aperçus grâce à des crieurs postés dans les champs qui donnent l’alarme. Ces méthodes sont pratiquées de façon courante par les petits agriculteurs africains mais l’agronome souligne l’importance des moments où il faut surveiller les champs, non seulement pendant la journée (matin et soir) mais également à certaines périodes spécifiques de l’année qui correspondent aux différents stades végétatifs des plantes cultivées.
3 L’identification des ravageurs
Très souvent, malgré les mesures générales de prévention et de surveillance qu’on a examinées dans les interviews N° 2, 3 et 4, l’agriculteur se retrouve tout de même confronté aux ravageurs et constate des dégâts dans ses champs. Pour remédier aux problèmes causés par ceux-ci et empêcher que les dégâts ne s’étendent, l’agriculteur doit s’efforcer de reconnaître les signes laissés par les nuisibles, autrement dit savoir à qui ou à quoi il a affaire car toute lutte antinuisible efficace se base sur une compréhension approfondie de l’envahissement. C’est le sujet de l’interview N° 5 « Trouver à qui on a affaire ».
Pour cette identification ce sont d’abord la vue, l’ouïe, l’odorat et le toucher de l’agriculteur qui seront mis à contribution. S’il s’agit par exemple d’une infestation de rongeurs, l’agriculteur constatera qu’au niveau des semences, les grains sont rongés et comme c’est le germe que les rongeurs consomment, les taux de levée seront réduits ; s’il s’agit d’attaques d’oiseaux sur le maïs, il constatera que les soies et les spathes sont coupées et il verra de loin les débris des spathes en dessous des plants ; ou s’il s’agit d’insectes comme les chenilles qui secrètent des substances souvent blanches, le paysan saura en voyant ces indices qu’il y a attaque de chenilles sur les jeunes plants et pourra intervenir. D’autres indices sont les bruits caractéristiques des insectes qu’on observe souvent au niveau des denrées stockées. C’est le cas des charançons, par exemple : quand on entre dans un magasin de stockage de maïs fortement attaqué, on entend de petits bruits, comme des chuchotements.
Ce contrôle sensoriel peut être ensuite complété par d’autres méthodes d’identification comme par exemple des pièges contenant des substances attractives comme les phéromones, qui se placent aux endroits de passage et de vol et aux abords des lieux de séjour possibles des ravageurs et qui permettent de connaître l’ampleur des infestations. Il est important de préciser cependant que l’utilisation de ces méthodes est encore limitée à cause des difficultés techniques qu’elles suscitent.
En tous cas, une fois l’identification faite pour déterminer l’espèce, les stades de développement, l’ampleur et la localisation de la population de ravageurs, l’agriculteur peut alors choisir une méthode particulière de lutte.
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