Introduction

Depuis une quarantaine d’années, la protection des cultures contre les organismes nuisibles accorde, sous des formes souvent diverses et parfois contradictoires, une importance croissante au concept de lutte intégrée contre les ravageurs, ou encore gestion intégrée, souvent représentée par ses initiales anglaises de « IPM » (Integrated Pest Management). Cette évolution est due à la nécessité de renouveler les stratégies de défense contre les acariens, insectes, mauvaises herbes, rongeurs, micro-organismes, nématodes, virus, certains oiseaux, etc., en respectant mieux les ressources de la biosphère tout en répondant aux lois du marché et aux besoins et aspirations de la société.

La lutte intégrée contre les ravageurs permet de passer d’un système réactif, axé sur le traitement, à un système actif et préventif. Les deux systèmes diffèrent par les priorités accordées aux différentes mesures appliquées. En fait il s’agit d’un changement d’approche : généralement le paysan se demande quel pesticide employer pour tuer tel ou tel insecte ou telle ou telle mauvaise herbe. Dans le cadre de la lutte intégrée, le paysan se demandera comment gérer tel ou tel insecte au milieu de tous les autres insectes ou contrôler telle ou telle plante parmi toutes les autres plantes.

En effet, le fait de traiter simplement les symptômes en déversant des tonnes de produits chimiques sur les cultures crée de gros problèmes environnementaux comme l’épuisement des réserves de gaz naturel (étant donné que les fertilisants azotés sont fabriqués à partir du gaz naturel), la contamination des aliments et de l’eau par les nitrates ou encore la dégradation de la couche d’ozone par les oxydes nitreux et la décomposition accélérée de la matière organique du sol. Il importe donc de préciser que la lutte intégrée contre les ravageurs diffère de l’agriculture biologique qui n’utilise aucun pesticide de synthèse. La lutte intégrée s’apparente plutôt à ce qu’on appelle dans les pays industrialisés l’agriculture raisonnée, qui est un mode de culture et d’élevage dont l’objectif premier est de réduire la quantité de substances chimiques utilisées et de minimiser leur impact sur l’environnement en les utilisant de façon sélective, mais pas d’en supprimer complètement l’emploi.

Cela permet donc de dégager les définitions suivantes :

Lutte intégrée : système de gestion des populations de ravageurs qui met en œuvre toutes les techniques appropriées, d’une manière aussi compatible que possible, pour maintenir ces populations en dessous des niveaux qui provoquent des dommages d’importance économique.

Ce n’est pas une simple juxtaposition ou superposition de deux techniques de lutte (telles que la lutte chimique et la lutte biologique) mais l’intégration de toutes les techniques de lutte adaptées aux facteurs naturels de régulation et de limitation de l’environnement

Lutte raisonnée : phase d’approche de la lutte intégrée consistant en un aménagement progressif de la lutte chimique grâce à l’utilisation des seuils de tolérance économique et à l’emploi raisonné de produits spécifiques ou peu polyvalents.

1 Les caractéristiques de la lutte intégrée

Comme l’explique en détail l’interview N°1 « La lutte intégrée contre les ravageurs, qu’est-ce que c’est ? », la lutte « intégrée est une démarche de planification et de gestion qui implique différentes méthodes de réduction des populations d’organismes nuisibles à des niveaux acceptables. Pour atteindre cet objectif, la lutte intégrée dispose de plusieurs méthodes : la prévention de la prolifération des organismes nuisibles, l’emploi de méthodes culturales (comme par exemple la rotation des cultures ou la résistance variétale), la lutte biologique qui fait appel aux ennemis naturels des ravageurs et l’épandage modéré de pesticides, de préférence naturels ― c’est-à-dire à base de plantes ― dont la rémanence est faible, et en dernier ressort les pesticides de synthèse utilisés de façon ciblée.

Cette interview aborde un concept important en lutte intégrée, celui des seuils de nuisibilité appelés aussi seuils de tolérance et d’intervention : comme l’explique en effet l’ingénieur agronome interrogé, des ravageurs peuvent se trouver sur une plante sans pour autant être considérés comme nuisibles. Il s’agit donc de déterminer à partir de quel seuil, à partir de quelle quantité tel être vivant présent dans le champ est nuisible. Il cite le cas de la culture du riz au Burkina Faso où le seuil à atteindre avant de commencer les traitements a été fixé à cinq pour cent d’attaques par mètre carré. La lutte intégrée présente de gros avantages pour le petit agriculteur africain :

™ Une diminution des coûts grâce à l’emploi réduit de pesticides commerciaux ;

™ Une réduction des risques pour la santé ;

™ Le respect de l’environnement.

Mais elle présente aussi des inconvénients :

™ Les techniques de lutte biologique sont souvent d’un emploi plus complexe qu’un simple épandage de pesticides : connaître l’ennemi naturel d’un ravageur relève souvent de la science agronomique.

™ Les pesticides naturels ont des effets moins directs et immédiatement visibles que les pesticides de synthèse et nécessitent souvent davantage de temps pour venir à bout des ravageurs.

™ Les méthodes culturales exigent davantage de travail et de suivi que l’épandage de pesticides.

Source :  cgspace.cgiar.org

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